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La neutralité carbone : une allégation bientôt encadrée

25 septembre 2022
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La multiplication des communications sur les ambitions de neutralité carbone des entreprises et la confusion induite par cette notion pour le public entraine la nécessité de trouver un consensus sur la réalité de la neutralité carbone et sur les méthodes pour y parvenir. Dans ce contexte, la loi Climat et Résilience vient encadrer ces communications parfois trompeuses. L’ADEME a également rédigé des recommandations  à destination des entreprises et des organisations sur l’utilisation de l’argument de neutralité carbone dans leurs communications.

QU’ENTEND-ON PAR « NEUTRALITÉ CARBONE » ?

La neutralité carbone est définie comme un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre (GES). Les puits de GES peuvent être biologiques (forêts, sols, etc.) ou sous forme de technologies de capture et de stockage du carbone.

Selon cette définition, pour atteindre la neutralité carbone il faut que la quantité de carbone séquestrée soit égale à la quantité émise. Ainsi, la séquestration de carbone pourrait être effectuée selon n’importe quel procédé et à n’importe quel endroit avec une vision purement comptable où une émission de carbone peut être annulée par une séquestration de carbone ailleurs. Or cette stricte égalité n’est pas toujours vérifiée. En effet, si les émissions ont lieu instantanément et vont avoir des effets sur le long terme sur l’atmosphère en contribuant au réchauffement climatique, la séquestration réalisée, par exemple, par des arbres se fera progressivement et finira par être en partie relâchée. Les conséquences des émissions et de la séquestration sont ainsi décalées dans le temps et sur la durée.

L’Accord de Paris (adopté en 2015) ramène l’objectif de neutralité carbone à l’échelle des Etats : territoire national, organisations (entreprises, collectivités, etc.), produit ou service. Les Etats se chargent de définir une démarche nationale cohérente pour atteindre l’objectif impliquant aussi bien les collectivités que les entreprises sur son territoire national. En France, la feuille de route Stratégie Nationale Bas-Carbone met en œuvre la transition pour atteindre les objectifs fixés. Ces objectifs nationaux sont l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 et la réduction de l’empreinte carbone de la consommation des Français.

Pour atteindre la neutralité carbone, il est nécessaire à la fois de réduire les émissions de GES et d’augmenter la séquestration dans les puits de carbone. Les technologies de séquestration étant limitées à l’heure actuelle, la réduction des émissions de GES est indispensable pour viser la neutralité carbone. Cependant, une entreprise ou une collectivité ayant une taille réduite, elle ne peut se revendiquer neutre en carbone à son échelle mais peut mettre en place une démarche structurée pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et communiquer sur cette démarche. Elle va ainsi contribuer aux objectifs de lutte contre le changement climatique tout en admettant que son activité aura toujours des effets sur l’environnement.

LE CADRE JURIDIQUE SE MET EN PLACE

Face à la multiplication des communications des entreprises proclamant leur neutralité carbone, un encadrement par les pouvoirs publics des allégations environnementales se met en place. La loi portant la lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, appelée Climat et Résilience, contient un article pour encadrer et réguler la publicité (article 12), notamment les allégations environnementales comme la neutralité carbone.

Cet article interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente à partir du 1er janvier 2023. Pour avancer de tels arguments, l’annonceur devra rendre aisément disponible au public les éléments suivants :

 

  • Un bilan d’émissions de GES intégrant les émissions directes et indirectes du produit ou du service
  • La démarche grâce à laquelle les GES du produit ou du service sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. De plus, la trajectoire de réduction des GES est décrite à l’aide d’objectifs de progrès annuels quantifiés
  • Les modalités de compensation des émissions de GES résiduelles respectant des standards minimaux définis par décret

Des sanctions sont prévues pour sanctionner le non-respect de l’interdiction ou le manquement aux obligations.

La loi a pour objectif de protéger le public des erreurs induites par la communication de certaines entreprises sur la réalité de leurs actions contre le changement climatique. Ces communications visent à inciter le public à continuer d’utiliser des produits ou des services ayant d’importants impacts sur le changement climatique sans modifier ses habitudes. Or les objectifs de lutte contre le changement climatique ne pourront être atteints sans des changements de comportement individuels et collectifs des habitudes de consommation afin de réduire de manière importante les émissions de GES.

La loi permet également une distinction entre les organisations qui mettent en place des actions réelles et qui sont engagées dans une démarche de réduction de leurs émissions de GES des organisations ayant recours aux crédits carbone qui ne cherchent pas à réduire leurs émissions.

LES RECOMMANDATION DE L’ADEME POUR LA PUBLICITÉ

L’argument de « neutralité carbone » est de plus en plus décrié, notamment sur les réseaux sociaux où il est associé au greenwashing. Les entreprises utilisant cet argument s’exposent de plus en plus à des risques de controverse sur leur marketing et la véracité de leur engagement. Une communication environnementale responsable permet de créer une relation de confiance avec le public grâce à des messages clairs, précis et proportionnés à la réalité des actions, apportant une crédibilité à l’entreprise.

L’ADEME a récemment publié des recommandations pour aider les organisations à communiquer sur leur stratégie de neutralité carbone.

Dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, l’ADEME recommande de :

  • Se défaire de l’approche purement arithmétique de la neutralité,
  • Agir et communiquer de façon distincte et précise sur les 3 leviers de contribution à la neutralité carbone collective du territoire ou de l’entreprise
  • Resituer cette action dans la stratégie RSE globale de l’institution en s’appuyant par exemple sur la grille des 17 Objectifs de développement durable des Nations Unies.

Le financement de projets de compensation doit s’accompagner de mesures sociales et environnementales comprises dans les projets afin d’apporter un véritable bénéfice de développement aux populations concernées et à la biodiversité locale grâce à un partenariat de développement durable du territoire. Un projet de compensation carbone n’est ainsi pas seulement une mesure de court terme et apportant une rentabilité au financeur qui se dédouanerait par là de ses impacts à long terme.

Dans le cadre de communications institutionnelles, les phrases suivantes sont préconisées : « Territoire/entreprise/organisation engagé pour la neutralité carbone collective » et « Notre territoire/entreprise/organisation met en œuvre une démarche de neutralité carbone ». Ces allégations doivent nécessairement être accompagnées d’éléments de preuve. En revanche, les formulations telles que « territoire zéro carbone », « entreprise/marque neutre en carbone », « marque 100% CO2 compensée », etc. sont à proscrire.

Dans le claim marketing, il faut proscrire une mention telle que « tous nos produits sont neutres en carbone », « neutralité carbone intégrale » ou « produit/service neutre en carbone » et des logos les affichant. En revanche, ce type de mention est à privilégier :

Dans le cadre de communications produit ou service, l’affichage environnemental est préconisé pour informer les consommateurs sur les impacts environnementaux.